RAVITAILLEMENT PAR AIR EN INDOCHINE
Pierre GUIN
Fin novembre 1953 , une section de Ravitaillement par Air est mise en place à la base aérienne de CAT-BI à HAIPHONG , commandée par une "figure"de l'Armée de l'Air le Colonel BRUNET .
Elle comprend deux groupes : 1 groupe de conditionnement , 1 groupe de largage.
Les procédures alors en usage, largage de colis de 80 kg maxi , par la porte latérale des D.C. 4 ou Junker , vont changer d'échelle avec l'arrivée simultanée de C 119 de U.S. Air Force , du matériel de largage lourd et de conseillers venant de la 8081 ST Air Supply Compagny basée à ASHIYA - Japon , 12 hommes voués au conditionnement et commandés par le Capitaine Donald K. FRAZER .
Nos sous - officiers venus de la 1° C.R.A de KHEL prennent sans peine le relais des conseillers U.S .
Les pilotes sont mixtes :
-de notre Armée de l'Air commandés par un homme exceptionnel le Capitaine SOULAT décédé en 1995 . Pendant tout le pont aérien , ils voleront de jour ( et parfois de nuit.)
-des FLYING TIGERS , créés par le Général CHENAULT . Le risque est leur métier et le pilote " lambda " accumule entre 20 ET 30 000 heures de vol . en général ils volent de nuit . L'un d'eux MC GOVERN , par suite d'un mitraillage sur un moteur , devra crasher son avion dans la jungle et ne reviendra pas . A noter que dans la soute se trouvait un sous-lieutenant du R.P.A , arrivé de FRANCE deux jours plus tôt et dont c'était la première mission .
L'arrivée avec les C 119 , des matériels adaptés à la mission nous laissent pantois : parachutes G 12 d'environ 400 m² , porteurs d'une tonne surtout utilisés pour les gaines contenant des obus de 105 , parachutes G 11 d'environ 700 m² porteurs de deux tonnes , plate formes métalliques autoporteuses , kits de conditionnements pour canons de 105 , plate formes en bois de différentes tailles , manilles , sangles de toutes résistances , estropes ,.... et bien sur parachutes de sécurité , pendant le vol, à ouverture commandée , sans oublier les chemins de roulement , les chaînes d'arrimages , la dernière sangle à dégrafage rapide et les parachutes extracteurs de charge.un déluge de matériel permettant toutes les variantes possibles comme nous le verrons plus loin .
Nous larguons une moyenne de 120 à 130 tonnes par jour . Et chaque jour ( ou presque ) se posent des gros porteurs , ayant fait escale à la base de CLARK FIELD aux Philippines , qui déversent des matériels neufs.
Sur notre parking réservé , sont alignés de 12 à 15 C 119 entretenus par des mécaniciens de l'US Air Force et une " baraque de chantier " bourrée d'appareils radio
Le viet , une nuit, attaque le parking mais il est repoussé . Par la suite chaque avion sera individuellement gardé . Un soldat vietnamien , pendant une faction , gravera avec un clou son nom sur une pale d'hélice ( rectangulaire et très longue , en matériau composite ) qu'il faudra changer......
Le 4° Bureau des F.T.N.V ( Capitaine VERNET ) m'avise un jour qu'un bulldozer va etre livré et devra etre parachuté .
Le Capitaine VIAL du Genie nous guide pour séparer les éléments du bloc-moteur-chenilles. Deux plate formes G.P. sont utilisées . Celle portant les éléments détachés est utilisée en autoporteuse. son parachutage ne pose pas de problème. Celle du bloc-moteur-chassis est utilisée en version roulement , les parachutes étant reliés directement au bulldozer .
Dans l'histoire militaire mondiale , parachuter un bulldozer d'environ six tonnes ne s'est jamais produit . Nous préparons le conditionnement ( MDL Chefs TORCATIS et PHEULPIN , anciens de la 1° C.R.A ) sans penser un instant au danger représenté par l'éjection :" Et si la charge était sortie trop lentement ou s'était coincée en travers de la soute ,...!! , le cabrage de l'avion était certain , aussi certain que la chute de l'appareil. "
Il était évident que vu le poids de la charge et la résistance proverbiale des engins T. P , vu aussi le volume du bulldozer augmenté du volume des parachutes , tout conditionnement visant à diminuer l'impact au sol n'était qu'illusoire.De simples coussins parallélépipèdiques en feutre furent placés sous le châssis . Comme précisé plus haut, la plate forme GP était rouleuse et non porteuse . Des sangles ( t. de résistance chacune ) destinéesà supporter le châssis furent reliées à une manille gros modèle et entre la manille et les parachutes porteurs une " estrope " . Imaginez environ 10 sangles cousus ensemble , collées pour former un cercle d'environ 50 cm diamètre ( environ 40 tonnes de résistance )
Au choc à l'ouverture occasionné par le déploiement de 3 parachutes G 11 , soit 2000 m² de voilure , un freinage se produit sous l'effet d'une charge de 6 tonnes!!Il n'est pas d'une extrême violence mais d'une puissance qui , sans valoir 1/2 mv² , s'en approche. Et la seule "estrope" de près de 35 t. de résistance à la traction a cédé. Le bulldozer a connu la joie de vivre à 250 kmà l'heure et l'exploit de faire un trou dans le sol . Une manille peut se déformer , elle ne casse pas .
Pour la préparation du 2° bulldozer dont je j'avais fait une affaire personnelle , ( SOULAT aussi ....) apporta son moment d'émotion car il fallut près de deux minutes au parachute extracteur pour -sortir à bonne vitesse- la charge . Et le cabrage craint , n'arriva pas -largué par mes soins-
Le largage de matériels axiales , par l'arrière , offrait et offre toujours des opportunités inattendues. Le Colonel BRUNET, chasseur intrépide , n'avait pas "digéré" l'attaque de sa base et voulait punir le village d'où étaient partis les Viets . IL avait l'idée d'utiliser les C 119 pour larguer ......du "napalm" . Ce liquide fut mis en touques de 25 litres chacune étant équipée d'un allumeur . Et les touques positionnées sur des plate formes en bois confectionnées à la demande.
Restait à trouver le système d'activation des allumeurs après réflexion , j'ai pensé que les touques tomberaient en chute libre , mais que le plateau en bois , par sa surface et légèreté, flotterait dans l'air ; les systèmes d'activation des allumeurs furent donc attachés au plateau de bois .
Comme pour le largage du bulldozer , ce largage de napalm était une première .
L'avion arrive à la verticale du village ( coordonnées = X 562 476 ) , les plateaux sortent par un léger cabrage de l' avion . d' un bout à l'autre du village qui était en longueur , je n'ai jamais vu , au cours de ma vie une vision aussi dantesque . Plus tard ..... j'imaginais la vie de ces habitants vivant paisiblement ( mais se transformant la nuit en guérilleros tueurs ) se montrant du doigt un " avion au dessus du village " Un B 52 n'aurait pas fait mieux .
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